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En Centrafrique, trois membres d’un groupe armé condamnés pour crimes contre l’humanité

Les trois accusés ont été condamnés par la Cour pénale spéciale. Il s’agit du premier verdict de ce tribunal hybride, créé en 2015 et composé de magistrats locaux et internationaux.

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Trois membres d’un groupe armé centrafricain ont été condamnés, lundi 31 octobre, à des peines allant de vingt ans de prison à la perpétuité pour crimes contre l’humanité par la Cour pénale spéciale (CPS). Il s’agit du premier verdict de ce tribunal hybride, composé de magistrats locaux et internationaux.

Issa Sallet Adoum, Yaouba Ousman et Mahamat Tahir, membres du Groupe 3R (pour « retour, réclamation et réhabilitation ») et accusés du massacre, le 21 mai 2019, de quarante-six civils dans des villages du Nord-Ouest, ont notamment été reconnus coupable de meurtres, d’actes inhumains et de traitements humiliants et dégradants. Le premier a été condamné à la perpétuité et les deux autres à vingt ans de réclusion.

André Olivier Manguereka, s’exprimant au nom des avocats de la défense, a déclaré « prendre acte du verdict » et annoncé son intention de faire appel, qualifiant la décision de « demi-victoire ». La Cour avait requis en août la perpétuité pour les trois accusés.

Acquittés des chefs de « torture en tant que crime de guerre »

Yaouba Ousman (au centre) et Issa Salet Adoum (à droite), lors de leur procès à la Cour pénale spéciale, en Centrafrique, le 31 octobre 2022.

La CPS a été créée en 2015 par le gouvernement sous le parrainage de l’Organisation des nations unies (ONU) pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis depuis 2003. Ce premier verdict était particulièrement attendu. Le procès s’était ouvert le 25 avril.

Issa Sallet Adoum a également été condamné en sa « qualité de chef militaire » pour des « viols commis par ses subordonnés constitutifs », pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, précise le communiqué de la CPS. Mahamat Tahir, qui clame son innocence, s’est présenté affaibli à l’audience, sur un brancard, après avoir entamé une grève de la faim il y a vingt et un jours, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse. Les accusés ont trois jours pour interjeter appel, précise la CPS, qui les a acquittés des chefs de « torture en tant que crime de guerre ». « Nous sommes très satisfaits du verdict, c’est un message pour les bourreaux : tôt ou tard la justice se prononce sur leurs actes », a déclaré l’avocat Fernand Made-Djapou, coordinateur de la coalition des organisations de la société civile pour la CPS, partie civile au procès.

« Un signal fort » dans la « lutte contre l’impunité »

« Je suis heureux de cette décision et que la cour a mentionné les cas de viols dont six de mes sœurs ont été victimes », a réagi un homme de 34 ans qui a vécu l’attaque. Le ministre de la justice, Arnaud Djoubaye Abazene, a également salué une décision qualifiée de « triomphe de la justice » et qui « marque un signal fort » dans la « lutte contre l’impunité ». La condamnation prononcée « est un signal fort qui montre que ceux qui commettent les pires crimes en République centrafricaine seront amenés à rendre des comptes, même après toutes ces années d’impunité généralisée », a aussi affirmé la directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch, Elise Keppler.

Les travaux de la CPS ont été lancés en octobre 2018 avec les premières enquêtes. Cette cour spéciale est composée de juges et procureurs originaires de Centrafrique mais aussi, notamment, de France, du Togo et de la République démocratique du Congo. La Centrafrique, deuxième pays le moins développé du monde selon l’ONU, est le théâtre depuis 2013 d’une guerre civile, très meurtrière dans ses premières années mais qui a baissé d’intensité depuis 2018.

Elle a opposé, dans les premières années, des milices à majorité musulmane coalisées au sein de l’alliance Séléka, à d’autres – les anti-balaka –, dominées par les chrétiens et les animistes, l’ONU accusant les deux camps de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La guerre civile se poursuit aujourd’hui entre des groupes armés rebelles, issus des Séléka et des anti-balaka parfois réunis, et l’armée du président Faustin-Archange Touadéra épaulée par des centaines de paramilitaires russes.

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