(Photo : Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed (à gauche) et le président érythréen Isaias Afwerki célébrant la réouverture de l’ambassade de l’Erythrée en Ethiopie à Addis-Abeba en juillet 2018
Petit pays pauvre de la Corne de l’Afrique, l’Erythrée est l’un des Etats les plus fermés et répressifs de la planète, dirigé d’une main de fer depuis 30 ans par le président Issaias Afeworki.
L’Erythrée est officiellement devenue un Etat en mai 1993, deux ans après s’être défaite de la domination de l’Ethiopie.
Depuis, le pays est dirigé par Issaias Afeworki, héros de l’indépendance, qui a instauré un régime de parti unique, sans élection, où toute opposition est sévèrement réprimée.
« Dictature d’un seul homme (…), l’Erythrée n’a pas de corps législatif, pas d’organisations de la société civile ou de médias indépendants et pas de système judiciaire indépendant », affirme l’ONG Human Rights Watch.
Les médias indépendants sont interdits depuis 2001 dans le pays, classé au 174e rang (sur 180) au classement 2023 de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.
Tortures
La situation des droits humains y est « désastreuse » sans « aucun signe d’amélioration », déplorait en mars le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, évoquant notamment des cas de tortures et de disparitions forcées commis en « totale impunité ».
Des centaines de milliers d’Erythréens ont quitté leur pays, fuyant les persécutions religieuses, les arrestations arbitraires et le service national à durée illimitée, assimilé à du travail forcé par les organisations de défense des droits humains.
Colonie italienne de 1889 à 1941, l’Erythrée est ensuite passée sous administration britannique jusqu’en 1952.
Elle est alors fédérée par une résolution de l’ONU à l’Ethiopie, dont elle devient une « entité autonome », dotée de ses propres drapeau, parlement et gouvernement. Mais en 1962, l’empereur Haile Selassie proclame l’annexion de l’Erythrée.
Un mouvement indépendantiste, mené par le Front populaire de libération de l’Erythrée (FPLE), se développe et s’engage dans une lutte armée contre la domination éthiopienne.
Indépendance
En mai 1991, les forces du FPLE – qui ont grandement participé à faire chuter le régime de Mengistu Hailemariam à Addis Abeba – s’emparent d’Asmara et installent un gouvernement dirigé par Issaias Afeworki.
Le 24 mai 1993, après un referendum soutenu par l’ONU, l’Erythrée proclame officiellement son indépendance.
L’indépendance érythréenne a privé l’Ethiopie de son unique façade maritime, sur la mer Rouge.
S’ensuivent 25 ans de tensions entre les deux voisins, qui exploseront en un sanglant conflit frontalier entre 1998 et 2000, faisant 80 000 morts et 1,3 million de déplacés sans résoudre la question du tracé des frontières.
Le 9 juillet 2018, le gouvernement du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed accepte la démarcation de la frontière fixée par une commission internationale indépendante en 2002.
Ce rapprochement permet la réouverture des ambassades à Asmara et Addis Abeba, le rétablissement des liaisons aériennes, relations commerciales et lignes téléphoniques.
Il vaudra également à Abiy Ahmed le prix Nobel de la paix en 2019.
Guerre au Tigré
En novembre 2020, Abiy Ahmed envoie l’armée fédérale au Tigré, région septentrionale de l’Ethiopie, accusant les autorités locales d’avoir organisé des attaques contre des installations militaires.
Cette région frontalière de l’Erythrée est dirigée par le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), parti qui a dominé le gouvernement éthiopien jusqu’en 2018 et ennemi juré du régime d’Asmara.
L’armée érythréenne pénètre au Tigré, en soutien des forces éthiopiennes. Durant les deux ans de conflit, ses soldats ont été accusés d’exactions sur les civils (massacres, viols, pillages…) et le régime a été sanctionné par les Etats-Unis en 2021.
Asmara rejette ces accusations, qualifiées en février de « chimère » et de « désinformation » par Issaias Afeworki.
Le gouvernement éthiopien a signé en novembre 2022 un accord de paix avec le TPLF, mais l’Erythrée ne participait pas aux négociations.
En janvier, les États-Unis ont annoncé que les forces érythréennes avaient entamé un « retrait » du Tigré, mais un rapport de l’ONU en mars le jugeait « très lent et largement incomplet ».
L’accès au Tigré étant restreint, il est impossible de vérifier de manière indépendante si les troupes érythréennes ont quitté la région.
Pauvreté et corruption
L’Erythrée est un des pays les moins développés de la planète, classé 176e sur 191 pays à l’indice de développement humain de l’ONU en 2021. C’est aussi l’un des plus corrompus, 162e sur 180 du classement de l’ONG Transparency International.
Ses principales richesses sont les mines d’or, de cuivre et de zinc. Sa population, estimée entre 3 et 6 millions d’habitants, vit essentiellement de l’agriculture, activité très vulnérable aux aléas climatiques extrêmes dans cette région du monde.
Le pays compte neuf groupes ethniques et une répartition à peu près égale entre chrétiens et musulmans. Il n’y a pas de langue officielle mais le tigrinya, l’arabe et l’anglais sont les plus utilisées.
La capitale Asmara est classée au patrimoine mondial de l’Unesco pour son architecture moderniste coloniale italienne.