Au terme d’une campagne insipide et dans un climat répressif, le chef de l’Etat sortant a été réélu pour un second mandat de cinq ans. Comme en 2019, le scrutin a peu mobilisé les électeurs : moins d’un sur deux est allé voter.
Il n’y avait aucun suspense. A l’issue d’une campagne électorale monotone, le président sortant Abdelmadjid Tebboune a été réélu au premier tour avec un score écrasant : près de 95 % des voix. Sur un total de 5,630 millions de «votes enregistrés, 5,32 millions ont voté pour le candidat indépendant» Tebboune, «soit 94,65 % des voix», a déclaré dimanche soir Mohamed Charfi, le président de l’autorité électorale (Anie).
L’unique enjeu de ce scrutin n’était pas de savoir qui allait en sortir vainqueur, mais de connaître le taux de participation afin de jauger le taux de popularité du locataire du palais d’El-Mouradia après cinq années au pouvoir. Mal élu et décrié lors de son élection en 2019 (six Algériens sur dix avaient boudé les urnes dans un contexte marqué par les manifestations du «Hirak», mouvement de contestation populaire qui a conduit à la démission de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika), Abdelmadjid Tebboune n’avait pas non plus réussi à mobiliser la population lors du référendum constitutionnel de 2020,
lequel seul 23 % du corps électoral s’était déplacé. Cette fois encore, le taux de participation est faible : 48,03 %, a annoncé l’instance électorale après la clôture des bureaux de vote, samedi à 20 heures. «L’élection a été marquée par une large transparence» et a «reflété la maturité électorale du peuple», s’est félicité, dimanche soir, le président de l’Anie. Quelques heures plus tôt pourtant, l’un des concurrents d’Abdelmadjid Tebboune, le candidat islamiste modéré Abdelaali Hassani, avait dénoncé «des violations» durant le scrutin. Selon son équipe de campagne, il y aurait eu «des pressions sur certains responsables de bureaux de vote pour gonfler les résultats», notamment le taux de participation.
Pendant trois semaines, le président-candidat de 78 ans, qui a bénéficié de moyens financiers considérables pour sa campagne, a vanté le bilan de son premier mandat, notamment sur le volet économique. Il s’est engagé auprès des 24 millions d’électeurs à construire deux millions de logements et à créer 450 000 postes lors des cinq prochaines années. Il s’est aussi engagé à ce que son pays atteigne un PIB de 400 milliards de dollars par an d’ici à 2027. «Au pays des richesses, du gaz, du pétrole et de la jeunesse, on n’affame pas le peuple», a-t-il notamment déclaré lors de son dernier grand meeting à Alger, le 3 septembre. Abdelmadjid Tebboune a estimé avoir besoin d’un mandat supplémentaire pour parachever des projets entravés par le Covid-19 et la corruption du président Bouteflika, dont il a pourtant été le ministre.
Ces promesses de campagne n’ont néanmoins été qu’une formalité tant Abdelmadjid Tebboune était assuré de sortir vainqueur de ce scrutin. Ses deux potentiels rivaux étaient considérés par les observateurs comme des figurants, triés sur le volet par la commission électorale pour ne pas faire de l’ombre au chef de l’Etat. Celui-ci a par ailleurs bénéficié du soutien de quatre formations politiques de premier plan, dont le Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique). «Le président Tebboune a tenu à faire campagne, en organisant des meetings dans le pays mais aussi à l’étranger. Il tient à un taux de participation acceptable pour faire oublier les deux derniers scrutins. Cet indicateur est également un élément important pour la puissante institution militaire, avec qui le chef de l’Etat a réussi à nouer une relation de confiance», explique Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, basé à Genève.
Fin juillet, l’instance électorale avait recalé treize postulants à la magistrature suprême, faute d’avoir recueilli suffisamment de parrainages. L’opposition a dénoncé de son côté les conditions «difficiles» et «discriminatoires» pour se présenter au scrutin. «Sur les 40 jours dont nous disposions pour récolter suffisamment de soutien, internet a été coupé durant une semaine en raison des examens universitaires. Techniquement, c’était quasiment impossible d’obtenir suffisamment de parrainages en si peu de temps, notamment en pleine période estivale, lors de laquelle les gens ont d’autres préoccupations que la politique», déplore Zoubida Assoul, avocate et grande figure du Hirak, dont la candidature a été écartée.
Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), l’une des principales forces de l’opposition, qui a opté pour le boycott, a qualifié ce scrutin d’«élection présidentielle la plus fermée dans l’ère du multipartisme» dans un contexte où «la répression continue et que la chape de plomb sur les médias est sans précédent.» L’ONG Amnesty International a accusé cette semaine le pouvoir algérien de continuer à «étouffer l’espace civique en maintenant une répression sévère des droits humains», avec de nouvelles arrestations arbitraires et «une approche de tolérance zéro» à l’égard des opinions dissidentes.