Politique

RDC: les juges confirment, Tshisekedi a gagné la présidentielle

0
(0)

En RDC, la Cour constitutionnelle a statué, ce samedi soir, lors d’une audience nocturne sur les résultats définitifs de la présidentielle du 30 décembre et a confirmé la victoire de Félix Tshisekedi. La Cour rejette également le recours déposé par Martin Fayulu. Avec plus de 38% des voix, Félix Tshisekedi remporte donc le scrutin, devant l’opposant Martin Fayulu, et le candidat de la majorité Emmanuel Ramazani Shadary. Ces résultats interviennent alors que la pression internationale demeure forte. Une délégation de l’Union africaine est notamment attendue lundi à Kinshasa, alors que plusieurs chefs d’Etat africains avaient demandé jeudi à la Cour constitutionnelle congolaise de suspendre la proclamation des résultats.

Jusqu’au bout, la Cour constitutionnelle se sera fait attendre. Prévue à 15h (heure locale), l’audience n’aura finalement démarré qu’à 23h30. La Cour considère la demande de correction des résultats demandée par la Dynamique de l’opposition et Martin Fayulu comme recevable mais « non-fondée  faute de preuves ». Les juges estiment que la demande de recomptage des voix est exceptionnelle, que la demande est « absurde » et que la « demanderesse » n’a donc apporté aucune preuve. « Seule la Céni a produit des résultats authentiques et sincères », a assuré le juge constitutionnel Noël Kilomba, reprenant la plupart des arguments de la même Céni.

« Cas de force majeure »

La requête relative à l’annulation du vote pour la présidentielle à Beni et Butembo est considérée comme « recevable mais non fondée », car « cas de force majeur » du fait de la résurgence du virus Ebola.

« La Cour constitutionnelle a ainsi délibéré et statué » sur les requêtes de la Dynamique de l’opposition, affirme le juge Kilomba, dans un arrêt « irrévocable ».

La plateforme du candidat Martin Fayulu avait ainsi soumis deux requêtes, l’une le vendredi 11 janvier, la deuxième le samedi 12. La Dynamique de l’opposition a sans doute bien fait, puisque la première requête a été jugée irrecevable en raison d’un défaut de qualité.

Tous les arguments de l’opposant non-fondés

Pour ce qui est de la deuxième, les juges de la Cour constitutionnelle ont jugé comme non-fondés tous les arguments de l’opposant. A savoir que la compilation des résultats n’aurait pas été terminée et tous les procès-verbaux signés au niveau des centres locaux de compilation des résultats. Là-dessus, comme pour toutes les autres demandes, la Cour constitutionnelle a juré que la commission électorale lui avait fourni tous les documents nécessaires, des procès-verbaux de résultats à tous les niveaux, y compris les plis, bulletins et PV de tous les bureaux de vote.

Alors qu’à ce jour, la Céni n’a jamais publié de tels résultats détaillés, au grand dam de l’opposition et des missions d’observation électorale, et même si la publication des résultats est prévue par la loi électorale.

Concernant la requête déposée par le candidat Théodore Ngoy, la Cour constitutionnelle dit qu’elle ne peut examiner le bien-fondé d’un recours déjà enrôlé. Theodore Ngoy avait déjà introduit un recours pour contrôle de constitutionnalité. Il n’y a aucun délai pour l’examen.

La victoire de Félix Tshisekedi confirmée

Dans une deuxième audience faisant suite à la première qui était consacrée aux recours déposés par des candidats de l’opposition, la Cour constitutionnelle a égrené le nombre de voix des différents candidats avant de confirmer la victoire du candidat Félix Tshisekedi. La Cour « proclame élu à la majorité simple président de la République démocratique du Congo Félix Tshilombo Tshisekedi », a déclaré le président de l’institution, Benoît Lwamba Bindu.

L’opposant Martin Fayulu a appelé les Congolais à organiser « des manifestations pacifiques sur toute l’étendue du territoire national » pour protester contre la décision de la Cour constitutionnelle.

« Je me considère désormais comme le seul président légitime de la République démocratique du Congo. Dès lors, je demande au peuple congolais de ne pas reconnaître tout individu qui se prévaudrait illégitimement de cette qualité, ni obéir aux ordres qui émaneraient de lui. Je demande par ailleurs à l’ensemble de la communauté internationale de ne pas reconnaître un pouvoir qui n’a ni légitimité, ni qualité légale pour représenter le peuple congolais. D’ores et déjà, je lance un appel pressant à notre peuple pour qu’il se prenne en charge en organisant des manifestations pacifiques sur toute l’étendue du territoire national, en vue de défendre sa souveraineté ».

Un pied de nez fait à l’UA ?

Cette proclamation des résultats peut être vue comme un pied de nez fait à l’Union africaine au moment où plusieurs chefs d’Etat, notamment le président rwandais, à la tête de l’organisation, Paul Kagame, mais aussi ses homologues angolais, sud-africain ou encore tchadien, sont attendus lundi à Kinshasa. L’UA, ainsi que les organisations régionales de la SADC et la CIRGL, ont fait part de leurs doutes sur la validité de ces résultats.

« Tous les chefs d’Etat réunis jeudi soir à Addis-Abeba ont clairement dit que les résultats proclamés par la Commission électorale n’étaient pas les bons », commentait un ministre de la région qui jugeait dangereuse l’attitude des autorités congolaises.

Reste à savoir si avec la proclamation, tous les chefs d’Etat feront finalement le déplacement, eux qui venaient réclamer des décisions conformes à la vérité des urnes et des négociations entre les acteurs politiques. « Qu’ils viennent, ils arriveront juste à temps pour l’investiture », se gaussait samedi un membre de la coalition au pouvoir.

Lambert Mendé, porte-parole du gouvernement congolais, a quant à lui rappelé hier l’indépendance de la Cour constitutionnelle dont le devoir est de proclamer les résultats dans les délais légaux. Il a néanmoins assuré qu’un bon accueil serait fait à la délégation de l’Union africaine lundi, dont les marges de manœuvre sont désormais sérieusement limitées.

■ Analyse: une Cour acquise à la coalition au pouvoir ?

Jason Stearns est le directeur du Groupe d’études sur le Congo, un centre de recherche de l’Université de New York. Le GEC avait publié avant l’élection une note sur la politisation des institutions chargées du processus électoral, dont la Cour constitutionnelle. Pour Jason Stearns, cette décision n’est pas une surprise, la plus haute cour de justice du pays est, comme la Céni, acquise à la coalition au pouvoir.

Mais si Jason Stearns estime que la décision de la Cour n’est « pas surprenante », il reconnaît en revanche que la position de l’UA de demander la suspension de la déclaration des résultats définitifs, a été une surprise, tout comme le silence de l’ONU.

« Pour moi, c’était surprenant surtout parce que la SADC, la sous-région, avait déjà plus ou moins accepté les résultats et l’Union africaine défère normalement, par principe de subsidiarité, à l’organisation subrégionale. Donc c’est assez surprenant de voir que l’Union africaine peut prendre une décision aussi agressive. La deuxième, c’était les Nations unies qui, jusqu’à aujourd’hui, sont restées assez silencieuses par rapport à tout ce qui se passe dans le processus électoral. Ce qui surprend, ce n’est pas le Congo. Ce qui surprend, c’est la réaction au niveau international. La région, la communauté internationale, elle, je ne pense pas qu’elle a beaucoup de leviers. Mais elle peut réagir par rapport à la rue congolaise. Si la rue, si la société civile, si l’opposition prend l’initiative, là la communauté internationale peut les renforcer ».

Cet article vous a-t-il été utile ?

Cliquez sur une étoile pour la noter !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Bouton retour en haut de la page