Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont désormais presque libres. La chambre d’appel de la Cour pénale internationale a rendu jeudi en fin d’après-midi, une décision attendue depuis plusieurs mois. Elle lève en partie les conditions imposées à leur libération. Pour bien comprendre cette décision, RFI vous propose l’éclairage de sa correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas, qui est aussi l’auteur du « Joker des puissants : le grand roman de la Cour pénale internationale ».
RFI : La chambre d’appel de la Cour pénale internationale lève en partie les conditions imposées à la libération de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, quel est plus précisément le contenu de cette décision ?
Stéphanie Maupas : C’est une décision qui leur permet de pouvoir quitter leur ville de résidence, Bruxelles pour Laurent Gbagbo et La Haye pour Charles Blé Goudé, et ils peuvent donc désormais voyager voire même déménager dans un autre pays presque librement.
Ils peuvent voyager, mais tout de même il y a deux conditions à ces voyages…
Oui effectivement, d’abord que l’État dans lequel ils pourraient souhaiter se rendre compte parmi les États membres de la Cour, c’est aujourd’hui 123 pays parmi lesquels la Côte d’Ivoire, et c’est une façon pour la Cour de conserver une forme de contrôle judiciaire sur les deux Ivoiriens puisque les 123 États parties ont l’obligation de coopérer et donc d’exécuter toute ordonnance que la Cour pourrait encore prendre tant que le dossier n’est pas définitivement clos. La seconde condition est qu’ils ne pourront pas prendre la décision de partir sans en avoir au préalable informé le greffe de la Cour qui lui en fait devra s’assurer que l’État demandé accepte de les accueillir, le même greffe devra aussi leur remettre leurs passeports qui avaient été saisi lors de leur arrestation fin 2011 pour Laurent Gbagbo et en 2014 pour Charles Blé Goudé et des passeports qui seraient d’ailleurs plus valables, aujourd’hui, mais la remise de leurs papiers fait partie de la décision prise par les juges.
Donc il y a tout de même des contraintes qui continuent encore à peser sur les deux hommes, il y a également un certain nombre d’obligations auxquelles la Cour continue à les soumettre, lesquelles ?
Effectivement, ils ne peuvent pas s’exprimer publiquement au sujet de l’affaire qui est toujours en cours devant la CPI et ils devront surtout se présenter à toute convocation des juges et notamment aux audiences de la procédure d’appel. Pour rappel en janvier 2019 Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé ont été acquittés des crimes contre l’humanité dont ils étaient accusés pour les violences de l’hiver 2010-2011, et Fatou Bensouda, la procureure, avait fait appel de cette acquittement.
Alors justement, où en est-on de l’organisation de cette procédure d’appel ?
C’est un peu compliqué, les audiences auraient dû se tenir cette semaine mais elles ont été reportées en raison de la pandémie du Covid-19, un nouveau calendrier prévoit des audiences du 10 au 12 juin mais ça doit encore être confirmé, car les juges ne savent pas comment conduire le débat, si cela doit se dérouler dans la salle d’audience comme d’habitude ou par vidéo en raison de la pandémie.
Et les audiences d’appel ne seront pas encore la fin de la procédure judiciaire…
Effectivement, suite à ces audiences, les juges commenceront un délibéré qui pourrait encore durer plusieurs mois et c’est ce qui explique aussi les raisons pour lesquelles les juges ont pris la décision de lever une partie des mesures imposées. Après plusieurs mois d’hésitation Fatou Bensouda propose aux juges deux solutions : soit d’annuler l’acquittement et de refaire le procès, soit que les juges prononcent un non-lieu à la place de l’acquittement. Ce n’est pas qu’un détail judiciaire puisque si c’est un acquittement qui est finalement décidé, le dossier sera définitivement fermé. Si c’est un non-lieu qui est finalement décidé Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé pourront être poursuivis pour les mêmes faits n’importe où dans le monde.