En début de semaine, 847 exilés, en majorité nigériens, ont été refoulés d’Algérie et reconduits à Agadez, au Niger. Des expulsions encadrées par un accord avec Niamey, qui s’ajoutent aux refoulements non officiels perpétrés de manière très violente par les autorités algériennes.
Dans le nord de l’Algérie, les garde-côtes s’efforcent d’empêcher les milliers de candidats à l’exil – en majorité algériens – de quitter le pays. À des milliers de kilomètres de là, dans le sud, la situation est tout autre. Chaque mois, de nombreux véhicules chargés de migrants s’engagent sur les routes qui mènent au Niger. Objectif : reconduire dans le nord de ce pays sahélien ses ressortissants, entrés illégalement en Algérie.
Cette semaine, 847 migrants, en majorité des Nigériens, sont arrivés dans le nord du Niger après avoir été refoulés d’Algérie, a appris jeudi 8 septembre l’AFP auprès des autorités locales. Quarante femmes et 74 enfants non accompagnés font partie du groupe.
« Tous sont déjà arrivés à Agadez », a indiqué la municipalité de la ville, et les mineurs « sont déjà pris en charge » par les services du ministère de la Protection des enfants. L’information a été confirmée à l’AFP par une source humanitaire, qui indique par ailleurs que ces personnes pourront bénéficier de soins médicaux et de kits de premières nécessités.
Ces transferts vers le Niger par les autorités algériennes sont très régulièrs. Leur nombre a même augmenté ces dernières années : sur la seule période de janvier à mai 2022, 14 196 migrants ont été reconduits vers le Niger, contre 27 208 pour toute l’année 2021 et 23 171 en 2020, indique Médecins sans frontières (MSF).
« CHARGÉS DANS DES CAMIONS », « SANS RÉSERVES D’EAU » SUFFISANTES
Ces expulsions « officielles » durant lesquelles les migrants sont conduits à Agadez sont régies par un accord signé en décembre 2014 entre Alger et Niamey. Mais outre ces expulsions réglementées, d’autres refoulements, officieux ceux-là, sont régulièrement organisés par les forces de l’ordre algériennes.
Ces pratiques sont régulièrement signalées par des ONG algériennes et internationales, qui dénoncent des arrestations arbitraires et des expulsions violentes de migrants originaires d’Afrique de l’Ouest et centrale.
Le mécanisme, lui, est pratiquement toujours le même : les exilés sont interpellés dans le pays et transportés en bus ou en camions à la frontière avec le Niger. Avant le voyage, « il est courant que les téléphones portables, l’argent liquide et tous les effets personnels [des passagers] soient confisqués », relate l’ONG Alarm Phone Sahara. Puis « les gens sont chargés dans des camions à l’arrière desquels ils doivent rester pendant des heures, serrés les uns contre les autres […] avec des réserves d’eau et de nourriture insuffisantes et sans possibilité d’aller aux toilettes, rapporte encore l’association. Des actes de violence par les forces de sécurité sont fréquents dans les centres de détention et aussi pendant le transport. »
Au bout de très longues heures de route, les passagers sont ensuite déposés au lieu-dit « Point Zéro », en plein désert. Les migrants doivent alors rallier par leurs propres moyens la petite ville nigérienne d’Assamaka, à 15km de là.
Mais il se retrouvent alors livrés à eux-mêmes sans eau ni nourriture, et bien souvent sans outil de localisation, rendant le périple très risqué. « Les témoignages de nos patients et leur état de santé physique et mental à leur arrivée dans nos structures sanitaires prouvent que ces personnes ont vécu des violences extrêmes au cours de leur expulsion des territoires algériens et libyens », affirmait en juin dans un communiqué Jamal Mrrouch, chef de mission de MSF au Niger.
Certains n’y survivent pas. En 2020 et 2021, 38 corps ont été retrouvés dans la zone, à quelques kilomètres d’Assamaka.
« LÀ-BAS, LES NOIRS SONT MALTRAITÉS »
Parmi les personnes expulsées se trouvent souvent des exilés qui ont tenté de construire leur vie en Algérie. Mais le quotidien dans le pays, qui n’a pas de législation en matière d’asile, se révèle très compliqué pour les migrants subsahariens. « J’étais avec d’autres (enfants) chez une dame à qui on versait chaque jour ce qu’on gagnait en mendiant. Elle m’a dit qu’elle envoyait cet argent à ma maman chaque mois », avait expliqué en juin dernier à l’Unicef Sahabi, un enfant nigérien renvoyé à Agadez, après avoir été arrêté par les forces de l’ordre à d’Alger où il mendiait.
Issa*, un exilé nigérien venu en Algérie pour ses études avait raconté à InfoMigrants avoir été victime de racisme. « Là-bas les Noirs sont maltraités. J’ai déjà vu des personnes jeter des bananes aux Africains dans la rue. » Après l’obtention de son Master, impossible pour le jeune étudiant de trouver du travail. « C’est déjà très difficile pour les Algériens, avait-il soupiré. Alors pour les Subsahariens… »