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Cri de cœur de Hinda Bazoum : libérez nos parents !

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Libérez nos parents !

26 juillet 2023 – 26 avril 2024, neuf mois se sont écoulés depuis que nos parents sont séquestrés de façon totalement arbitraire et illégale, au mépris des lois de la République.
Dans les trois premiers mois de leur séquestration, ils ont été privés d’électricité et enfermés dans des murs en béton de la résidence présidentielle où les températures pouvaient monter jusqu’à 45 degrés. Les personnes qui détiennent nos parents sont allées jusqu’à leur rationner l’eau courante dans la même période et les ont privés de provisions et de visites médicales durant 10 jours de suite.

Il est très pénible pour nous de savoir que leurs bourreaux sont des personnes que nous connaissions et avec lesquelles nos relations étaient cordiales. Mais le plus dur à accepter était de découvrir que Mahamadou Issoufou était le cerveau qui a tout orchestré par égocentrisme et pour protéger ses intérêts personnels. Le coup d’État serait le moyen qui lui permettrait de revenir au pouvoir après une courte transition militaire au cours de laquelle serait adoptée une nouvelle Constitution.

Lui, qui a pourtant côtoyé nos parents pendant 33 ans et qui nous a vus grandir.

Lui, pour qui notre père a tout donné, avec qui ils ont cofondé le parti et avec qui ils ont lutté pour instaurer la démocratie ; quelle ironie!

Lui, à qui notre père vouait un amour sincère qu’il a transmis à tous ses enfants. Nous avons grandi en adulant « Zaki », en portant fièrement les pagnes et t-shirt à son effigie. Jusqu’à très récemment, je gardais encore sa photo en profil de mon compte facebook alors que je n’ai jamais affiché celle de notre père.

Lui, l’ami et frère de Papa, le trahit de la manière la plus lâche et cruelle.

Aujourd’hui, nous sommes comme des orphelins alors que nos parents sont de ce monde. Nos vies n’ont plus aucun sens et se sont arrêtées le 26 juillet. Ils nous manquent énormément, et chaque jour qui passe est une journée de trop sans leur présence. En effet, mes sœurs et moi sommes bouleversées et meurtries car nos derniers échanges avec nos parents remontent au 18 octobre 2023.

Huit jours après avoir perdu tout contact avec eux, je donnais naissance à un petit garçon que j’ai appelé Salem en hommage à mon frère si paisible qui, à 22 ans, a déjà connu  le plus grand choc moral et physique de la violence générée par la cupidité du genre humain. J’ai été privée de ma mère au moment où j’en ai eu le plus besoin. Je dois appréhender un nouveau rôle et endosser une nouvelle responsabilité alors que je suis complètement dévastée. J’apprends à être mère chaque jour en me reposant sur les valeurs que nos parents nous ont transmises. A ce jour, ils ne savent même pas à quoi ressemble leur premier petit-fils, et cela jusqu’à quand ?

Nos parents sont coupés du monde et enfermés dans un espace restreint sans avoir le droit de sortir prendre l’air, ni recevoir de visite. Depuis neuf mois, ils n’ont pas vu la lumière du soleil et n’ont parlé avec aucune personne, hormis un médecin qui passe les voir deux fois par semaine. C’est dans ces conditions inhumaines et indignes qu’ils ont passé tout le Ramadan, alors même que la junte s’engageait à les libérer avant le début de ce mois saint en contrepartie de la levée des sanctions prises par la CEDEAO à la suite du coup d’Etat.
À seulement 300 mètres de leur lieu de séquestration, réside Mahamadou Issoufou dans 6 villas à étage appartenant à l’État et sous la protection de 80 éléments de la garde présidentielle. Cette même garde qui détient nos parents en otage. Que Mahamadou Issoufou est le commanditaire du putsch du 26 juillet est un secret de polichinelle. D’ailleurs, son lieutenant Kalla Ankouraou n’éprouvait aucune gêne, au lendemain de cet événement, pour expliquer à ses interlocuteurs pourquoi  » le président Issoufou a déposé Bazoum ».

Mais le plus scandaleux est que nous sommes en possession de nombreuses informations attestant que Mahamadou Issoufou est en grande partie responsable du sort actuellement réservé à nos parents. En effet, il est arrivé que des personnes bien informées et bienveillantes à notre égard contactent des membres de notre famille pour les charger de transmettre à notre père le message selon lequel, pour sortir de la situation, il devrait se réconcilier avec son ancien ami Mahamadou Issoufou en le disculpant des accusations portées contre lui et en refaisant l’unité du parti.

Il est arrivé que des rumeurs circulent faisant état d’une libération imminente de notre père ou de son départ en exil, mais qui sont restées sans suite. A chacune de ces occasions ratées, l’explication donnée dans des milieux crédibles proches du pouvoir militaire ou étrangers, fait état d’un veto de Mahamadou Issoufou. Sa dernière trouvaille a été de faire introduire une requête à la cour d’Etat nouvellement créée pour demander la levée de l’immunité de notre père, puis sa condamnation par le tribunal militaire. Ce serait pour le rendre inéligible de manière à être le seul candidat du parti. Nous comprenons maintenant pourquoi il a placé un de ses proches à la tête de la cour d’Etat!

Le sort de nos parents nous préoccupe énormément car, à travers cet isolement extrême, le but est d’abîmer leur santé mentale et physique. Nous prenons à témoin l’opinion nationale et internationale quant au traitement inhumain qui est infligé à nos parents et tenons pour coresponsables de cette situation le général Tiani et son mentor Mahamadou Issoufou.

Je lance un appel à l’opinion nationale et internationale pour qu’elle se mobilise afin de mettre fin à cette épreuve cruelle pour notre famille.

Je lance un appel au Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, aux organisations internationales de défense des droits de l’homme, pour mettre fin à cette violation de la dignité et des droits de nos parents.

Nous remercions le président Faure du Togo pour la libération de notre frère Salem, mais nous le prions de poursuivre sa mission jusqu’à son aboutissement total.

Neuf mois d’injustice et de douleur se sont écoulés pour nous. Tout ce que nous réclamons aujourd’hui, c’est la libération de nos parents.

Hinda Bazoum

Source:  L’AUTRE RÉPUBLICAIN

Niamey

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