La junte birmane a mis sa sinistre menace à exécution : quatre prisonniers politiques, accusés de terrorisme, dont la mise à mort prochaine avait été annoncée le 4 juin, provoquant une vague de protestation, ont été pendus. « La punition a été infligée selon les règlements carcéraux », a communiqué, lundi 25 juillet, le Global New Light of Myanmar, le quotidien officiel du régime, sans donner de date précise. Les familles ont été informées par la presse et n’ont pas pu encore récupérer les corps des défunts.
Deux des prisonniers font partie des figures les plus connues du combat pour la démocratie en Birmanie : le militant et écrivain Ko Jimmy, de son vrai nom Kyaw Min Yu, 53 ans, était un ancien leader étudiant du soulèvement de 1988. Il avait déjà passé plus de quinze années en détention, entre 1988 et 2012. Le second, le chanteur de hip-hop Zayar Thaw, 41 ans, est le cofondateur du premier groupe de hip-hop birman, Acid. Emprisonné de 2008 à 2011 pour avoir mené une campagne de graffitis contre la junte d’alors, il avait siégé comme député de la Ligue nationale pour la démocratie, le parti d’Aung San Suu Kyi, à partir de 2012, après les premières élections partielles qui lui furent ouvertes, puis de nouveau de 2016 à 2020.
Arrêtés fin 2021, ils avaient été condamnés, en janvier, pour avoir « donné des directives, effectué les arrangements et commis des conspirations pour [mettre en œuvre] des actes inhumains de terreur », selon le Global New Light of Myanmar. Zayar Thaw, notamment, était accusé d’avoir orchestré dans un train de Rangoun une attaque qui a tué cinq policiers. Les deux autres prisonniers, accusés d’avoir assassiné une informatrice présumée, s’appelaient Hla Myo Aung et Aung Thura Zaw.
Un « jour noir »
La Birmanie n’avait pas exécuté de prisonnier depuis 1988. Or, 68 autres personnes condamnées à la peine capitale depuis le coup d’Etat de février 2021 sont en prison – 41 autres condamnés par contumace sont en fuite ou ont quitté le pays, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques birmans. La quadruple exécution annoncée lundi a déclenché une vague de protestations et d’injures sur les réseaux sociaux birmans contre les militaires putschistes, ainsi que quelques manifestations sporadiques. Pour nombre de Birmans, l’événement creuse un peu plus le sentiment d’injustice que constitue, selon eux, l’inaction lancinante de la communauté internationale face à la guerre civile qui fait rage dans le pays.
« Les pays démocratiques occidentaux font preuve d’un manque significatif de soutien au mouvement démocratique au Myanmar, ce qui enhardit le régime de la junte à être plus brutal contre des citoyens innocents », lit-on dans un tweet du mouvement de résistance Chin, dans l’ouest du pays. Le site d’information en exil The Irrawaddy a déclaré qu’il s’agissait d’un « jour noir », et que la nation était en deuil.