Le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand a été mis en examen jeudi 12 septembre pour prise illégale d’intérêts dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne, soupçonné d’avoir favorisé sa compagne. Bien qu’Emmanuel Macron ait annoncé lui conserver « toute sa confiance », Richard Ferrand pourrait ne pas garder son portefeuille.
Dès le petit matin, le camp du président Emmanuel Macron est monté au front pour défendre Richard Ferrand, comme la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye qui a annoncé que le président lui garde « toute sa confiance », ou encore le patron des députés marcheurs, Gilles Le Gendre, qui a rappelé la présomption d’innocence.
Alors que le gouvernement applique la jurisprudence « un ministre mis en examen doit démissionner », l’on critique la majorité de ne pas l’appliquer au président de l’Assemblée nationale, très déstabilisé au début de l’affaire, en 2017.
Cette position est-elle tenable pour le quatrième personnage de l’État ? Ne risque-t-elle pas de rejaillir sur Emmanuel Macron, chantre d’une République exemplaire ? Pour l’instant, dans l’opposition, on est prudent. Le patron du parti les Républicains, Jean Leonetti, ne demande pas sa démission, mais ouvre le débat : « Est-ce-qu’il n’est pas en train d’altérer la crédibilité de la parole publique ?Est-ce-que le quatrième personnage de l’État peut se permettre d’exercer sereinement ses fonctions avec une suspicion qui n’est pas négligeable ? »
D’autres responsables politiques vont plus loin, comme le premier secrétaire du parti socialiste Olivier Faure, patron des socialistes, qui demande sa démission. Richard Ferrand pourrait tenter de se cacher derrière sa promesse, il y a quelques mois, de ne pas démissionner en cas de mise en examen et résister à ce début de tempête politique.
La mise en examen ne signe pas la culpabilité mais la sérénité du débat public suppose que ceux qui exercent des fonctions institutionnelles nationales démissionnent en attendant la décision de justice. #ConfianceDansLaViePublique https://www.huffingtonpost.fr/2017/06/01/lenquete-sur-ferrand-ne-change-rien-aux-regles-fixees-par-do_a_22120731/ …
« Si Richard Ferrand était mis en examen, il serait immédiatement démis de ses fonctions »
L’entourage du premier ministre a fait savoir que l’enquête ouverte n’était pas de nature à provoquer la démission de Richard Ferrand.
huffingtonpost.fr
Pour l’avocat de l’association de lutte contre la corruption Anticor, Richard Ferrand ne peut se maintenir à son poste en l’état actuel. L’association est d’ailleurs à l’origine de la seconde plainte qui a entraîné cette mise en examen. Car une première enquête l’avait poussé à démissionner du gouvernement, avant d’être classée sans suite.
En juin 2017, le procureur de Brest ouvre une enquête préliminaire. Quelques mois plus tard, il invoque la prescription des faits pour classer sans suite, les faits reprochés à Richard Ferrand remontent à 2011. La prescription en France étant de trois ans pour les délits.
« La question de la prescritpion n’est pas terminée »
Anticor n’est alors pas étonné de cette lecture de la loi, selon Jérôme Karsenti, l’avocat de l’association de lutte anticorruption : « On a une pratique habituelle du parquet qui classe sans suite, s’agissant d’un homme politique de premier plan. Donc Anticor a saisi par le biais d’une plainte et de constitution de partie civile un juge d’instruction. Et le juge d’instruction pour le coup est indépendant ».
S’il y a mise en examen, cette fois la question de la prescription des faits, révélée par la presse en 2017, n’est pas pour autant tranchée : « Les juristes ne sont pas des scientifiques. Ils ont des approches d’une vérité. Du côté d’Anticor, la prescription n’a pu commencer à courir qu’à compter de sa révélation par le Canard enchaîné. Elle n’a pas pu commencer à courir en 2011 parce qu’elle était camouflée, elle était cachée, était occulte. C’est ce débat-là qui n’a pas été strictement tranché par le juge d’instruction. La question de la prescription n’est pas une discussion qui est terminée ».
Cette question pourrait être en effet soulevée très rapidement par la défense de Richard Ferrand s’il faisait appel de sa mise en examen. Elle pourrait aussi s’imposer dans les débats devant le tribunal ou pourquoi pas la Cour de cassation.