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Halte à la dérive autoritaire et les atermoiements de la Transition

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Halte à la dérive autoritaire et les atermoiements de la Transition
Depuis le coup d’État d’août 2020, le MALI traverse une crise sécuritaire, politique, économique,sociale et humanitaire. Cette période de transition, pour notre pays, est censée aboutir à un retour à l’ordre constitutionnel.
Le pays a connu plusieurs transitions, mais force est de reconnaître que celle-ci est la plus inquiétante, tant par la concentration du pouvoir, la confiscation de libertés démocratiques et la marginalisation des partis piliers essentiels de toute démocratie.
Cette transition après avoir bénéficié d’un état de grâce pendant une bonne période est devenue la plus impopulaire des transitions que notre pays a connues.
Dans cet article, nous allons énumérer quelques faits qui ne sont pas de bon augure pour la gouvernance de notre pays, son avenir,son développement harmonieux et pour son unité nationale.
1. Le non- respect des engagements de la Transition
Les autorités de la Transition avaient promis une période transitoire limitée, visant à restaurer l’ordre constitutionnel et à organiser des élections libres et transparentes.
Dans son discours d’investiture du 7 juin 2021, le président de la transition précisait « …Il s’agit en effet, et sur la base de la feuille de route, de conduire la mise en œuvre des actions prioritaires nécessaires à la réussite de la Transition, notamment l’organisation d’élections crédibles, justes et transparentes aux échéances prévues »
Une année plus tard par le décret N°2022-0335/PT-RM DU 06 JUIN 2022, la durée de la transition fut « prolongée de 24 mois, pour compter du 26 mars 2022 », soit jusqu’au 26 mars 2024.On connaît la suite…
2. La menace de dissolution des partis politiques : une violation de la Constitution
Selon la constitution du 22 juillet 2023 en son Article 39 « Les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans les conditions déterminées par la loi. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale, de la démocratie, de l’intégrité du territoire national, de l’unité nationale et de la laïcité de l’Etat ».
Cet article garantit la liberté d’association et reconnaît le rôle des partis politiques dans l’animation de la vie politique. Toute tentative de dissolution ou de suspension des partis politiques constitue une violation flagrante de cette disposition constitutionnelle.
De plus, la suspension des activités politiques ,des médias indépendants et les arrestations arbitraires, certaines par des hommes cagoulés sans mandat ,restreignent l’espace civique, entravent le débat démocratique et portent un coup dur aux idéaux de mars 1991.
3. Des consultations biaisées pour légitimer le statu quo
Plusieurs concertations nationales ont été organisées pendant cette Transition :
● Concertations nationales des 10,11 et 12 septembre 2020
● Assises Nationales de la Refondation (ANR) du 11 au 23 décembre 2021
● Le Dialogue Inter-maliens du 13 avril au 10 mai 2024.
Cependant, certaines recommandations issues de ces assises, telles que la réduction du nombre de partis politiques, la relecture de la Charte des partis et l’interdiction du nomadisme politique, semblent être mises en avant pour justifier des mesures restrictives. Paradoxalement, d’autres recommandations cruciales, comme la fixation d’une durée de transition de 6 mois à 5 ans, l’organisation d’élections transparentes et la relecture de l’Accord d’Alger, sont ignorées.
4. L’oubli de recommandations essentielles des ANR
Parmi les recommandations des ANR, certaines ont été mises de côté, notamment la réalisation d’un audit de la Transition pour évaluer sa gestion et sa transparence. De plus, bien que les participants aux ANR aient préconisé une révision de l’Accord d’Alger et l’accélération de sa mise en œuvre, les autorités de la Transition ont récemment exprimé leur désengagement vis-à-vis de cet accord. Cette sélection des recommandations, en mettant en avant certaines tout en en occultant d’autres, confirme que ces concertations sont instrumentalisées par les autorités pour perdurer au pouvoir.
5. Contradictions entre discours et actions
Après deux reports de la durée de la Transition dix huit (18) ensuite vingt et quatre (24) mois, les atermoiements des Autorités ont continué par la rhétorique dilatoire et récurrente.
Lors de son discours du nouvel an pour l’année 2024, le Président de la Transition, Assimi Goïta, avait rassuré « … Au cours de l’année 2024, les efforts tendant à retourner à un Ordre constitutionnel apaisé et sécurisé ne faibliront point. »
Dans une de ses premières interventions le Premier ministre Abdoulaye Maiga a fait part de huit (😎 domaines prioritaires parmi lesquelles :
● L’Organisation d’élections transparentes et apaisées : Pour clôturer la période de Transition.
● Un Plan d’action global sera élaboré pour traduire ces axes en réalisations concrètes,
Cependant, malgré ces engagements, les autorités de la Transition ont suspendu les activités des partis politiques en avril 2024, à la veille du Dialogue Inter-maliens.
Par ailleurs, les élections initialement prévues pour mars 2024 ont été reportées sine die, suscitant des préoccupations tant au niveau national qu’international.
6. Le serment présidentiel et ses implications juridiques : la haute trahison
Avant d’entrer en fonction, le président de la Transition a prêté devant la Cour suprême le serment suivant ;
« Je jure devant Dieu et le peuple malien de préserver fidèlement la forme républicaine de gouvernement, de respecter et de faire respecter la Constitution et les Lois par autres, d’exercer mes devoirs dans l’intérêt supérieur du peuple, de préserver les acquis démocratiques, de garantir l’unité nationale, l’indépendance de la patrie et l’intégrité territoriale de la nation ».
S’engageant à « respecter et faire respecter la Constitution et les lois », ce serment solennel n’est pas un simple rituel symbolique ; il constitue un engagement moral et juridique envers le peuple malien.
La violation de ce serment peut être interprétée comme un parjure : la haute trahison. Force restera toujours à la loi.
Conclusion
Il est impératif que les autorités de la Transition respectent la Constitution malienne et les recommandations prises lors des différentes concertations nationales. La limitation du nombre de partis politiques, et d’autres sujets tels que la relecture de la loi électorale, l’audit du fichier électoral, la loi organique relative à l’élection des députés et des Conseillers des Collectivités territoriales, sont des sujets importants qui méritent de faire l’objet de larges consultations.
En tant qu’hommes politiques patriotes, soucieux de la situation de crise multidimensionnelle que connaît le pays, nous exhortons les Autorités de la Transition à cesser, les atermoiements et la fuite en avant, dont les conséquences peuvent porter préjudice à l’existence même de la Nation.
Un pays classé parmi les moins développés, sans Président élu démocratiquement, sans parlement mis en place à la suite d’élections crédibles et transparentes perd beaucoup au niveau des appuis financiers pour les populations les plus fragiles. Il perd également en visibilité sur le plan diplomatique.
Seul un engagement sincère en faveur de la démocratie et de l’État de droit permettra au Mali de retrouver la stabilité et la confiance de ses citoyens.

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