Toumani DIABATE, né le 10 août 1965, à Bamako, au Mali, est un griot de 71ème génération de l’Empire du Manding (Mali, Sénégal, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Burkina, RCI, Mauritanie, une partie du Nigéria), un État médiéval, fondé par Soundiata KEITA au 13ème siècle avec une Charte des droits de l’Homme, bien avant la Magna Charter. La musique malienne est si puissante et si riche que pendant longtemps, au Sénégal, elle avait étouffé toute créativité artistique. C’est El Hadji Omar TALL, dans son islamisation du Mali, au XIXème qui avait ramené cette musique au Fouta-Toro.
Toumani DIABATE, qui nous a quittés le 19 juillet 2024, à Bamako, récipiendaire du Grammy Award de la Cora, du 25 février 2011, est l’auteur d’une musique sublime, dont le «Mali-Sadio», un conte traditionnel relatant l’histoire d’un jeune hippopotame au chanfrein blanc et aux pattes blanches jusqu’aux garrots. Unique parmi ceux de sa race, il apparut pour la première fois aux hommes de Bafoulabé et se lia très vite d’amitié avec les enfants de la ville. «Mali-Sadio Louanges aux gens de Bafoulabé. Les hommes, les femmes, les enfants sont à Mali-Sadio» chante-t-il. La chanson «Diarabi», est un hymne d’amour mandingue.
Toumani DIABATE a appris son métier de «Dialy» ou griot, de génération en génération. Ses enfants sont la 72ème génération. La Cora se joue à quatre doigts, et raconte l’histoire de l’Afrique. «Vous savez qu’un peuple sans culture est un peuple qui n’a pas d’âme. Il faut défendre la culture. Le Mali, c’est le cœur de la culture dans le monde. C’est très important. Notre pays traverse un moment extrêmement difficile de son histoire», dit Toumani DIABATE. L’artiste démarre le métier de griot et d’artiste très jeune, membre de l’orchestre, le Koulikoro, à l’âge de 16 ans, il remporte le prix meilleur orchestre traditionnel à la Biennale du Mali. Il est aussitôt recruté par l’orchestre national du Mali. Toumani DIABATE a collaboré notamment avec Kouyaté Sory KANDIA, Balla SISSOKO et Ali Farka TOURE, mais aussi avec Taj Mahal et Björk, et surtout avec Le London Symphonic Orchestra. En 1987, Nick GOLD, le Quincy JONES britannique qui lui ouvre certaines portes : «Cette collaboration avec le London Symphony Orchestra a été réalisée en 2008, et je suis vraiment très content qu’elle puisse enfin sortir parce que c’était une rencontre historique ! On avait juste fait quelques heures de répétitions avant le premier concert à guichets fermés, c’était extraordinaire et très inattendu parce qu’en musique classique, il y a rarement de place pour l’improvisation et l’oralité. Certains musiciens anglais n’avaient même jamais vu de kora de leur vie avant ce concert ! Pourtant, j’ai ressenti une liberté extraordinaire en jouant avec eux», dit-il à Elodie MAILLOT de PAM.
En 2019, il est allé s’installer en Côte-D’Ivoire «J’avais envie qu’il y ait des cuivres, or actuellement, au Mali, on n’en trouve pas parce que les musiciens utilisent essentiellement des synthés à la place, donc je suis venu enregistrer à Abidjan, qui reste une capitale carrefour pour les musiques africaines, où sont passés des grands comme Manu Dibango, Mory Kanté. Et puis le Covid-19 est arrivé : il y a eu les couvre-feux qui nous empêché de travailler en studio la nuit, les frontières ouvertes puis fermées, le coup d’État au Mali et l’arrivée d’un nouveau gouvernement. Bref, vu la situation, pour l’instant, j’ai décidé de rester ici, car la période n’est pas propice aux voyages», dit-il à Elodie MAILLOT de PAM.
Toumani DIABATE, artiste international polyglotte, quand il venait à Paris, venait souvent au restaurant le village, avenue Parmentier, à Paris 11ème, chez notre ami, François VAUGLIN. «Un homme talentueux, mais très humble et attaché au panafricanisme et à la cuisine africaine» me dit M. Abdou NDIAYE, le patron du restaurant «Le Village».
Surnommé «le Dieu de la Cora», c’est son fils Sidiki DIABATE, continuateur de son œuvre, qui a annoncé son décès, des suites d’une longue maladie, à l’âge de 58 ans. «C’est Dieu qui donne la vie et qui donne la mort et c’est vers lui que nous retournons. Mon confident, mon pilier, mon guide, mon meilleur ami, mon cher papa s’en est allé à jamais», écrit Sidiki DIABATE. Son héritage restant donc plus que jamais vivant parmi nous à travers sa belle musique.
Références musicales,
Africa Challenge
Bafoulabé
Bi Lamba
Boulevard de l’indépendance
Cheikna Demba
Kadiatou
Kora Bali
Mali Sadio
Mamadou Diaby
Salaman
Single
Toumani
Wasso
Ya Fama
II – Autres références
MAILLOT (Elodie), «Toumani Diabaté, l’homme qui parlait à l’orchestre symphonique», PAM, 22 avril 2021 ;
Flynn Theater, RETNVT, «Toumani Diabate’s Insights», RETN, 24 avril 2009, durée 53munites8secondes.
Paris, le 20 juillet 2024, par Amadou Bal BA –