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L’Afrique, théâtre d’un nouveau djihad

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C’est une table dans un restaurant pour carnivores assumés dans le quartier des affaires de Sandton, à Johannesburg, la capitale économique sud-africaine. Un soir, début octobre, on y fait bonne chère. Le vin est généreux, les propos enjoués. Cela ressemble presque au « monde d’avant » la pandémie de Covid-19, malgré les tables éloignées et les masques des serveurs qui apportent des steaks épais à souhait, après des mois de fermeture de tous les établissements. En Afrique du Sud, le pic de la pandémie n’a été dépassé qu’en septembre… Mais ce n’est pas pour cette raison que l’humeur du maître de table est si enjouée. Ce dernier, force de la nature, petit accent afrikaner, est un ex-responsable du renseignement militaire sud-africain, désormais passé au privé. Cet ancien militaire est aujourd’hui l’un des acteurs-clés des compagnies de sécurité sud-africaines. Un homme qui, comme tous ses collègues, voit se profiler des jours opulents, en raison d’une crise qui se déroule à quelques centaines de kilomètres de là, dans la région du Cabo Delgado, au Mozambique. Analystes, responsables de « gestion de crise », fournisseurs de matériel, et d’hommes, bien sûr… tout le secteur vibrionne et n’a en tête que le nom de ce pays.

Après une attaque de djihadistes dans le village d’Aldeia da Paz (nord du Mozambique), le 24 août 2019.

Là, dans le nord, une insurrection islamiste, partie de presque rien il y a trois ans, est en train de s’étendre. Les insurgés, baptisés localement Chabab (les jeunes), sont apparus au grand jour le 5 octobre 2017. Là, avec des moyens très limités – tous les combattants, alors, n’avaient pas d’armes à feu –, leur groupe a mené une première incursion dans le port de Mocimboa da Praia, à près de 3 000 kilomètres de Maputo, la capitale, près de la frontière tanzanienne. Une région qui est aussi, et surtout, un eldorado gazier en devenir. C’est d’ailleurs là qu’un consortium, dirigé par le français Total, s’apprête à construire, sur la péninsule d’Afungi transformée en camp retranché, des installations de liquéfaction de gaz exploité offshore. En trois ans, les Chabab, qui ont remisé les machettes des débuts, ont réussi à s’imposer.

« De beaux jours devant eux »

« On pensait que c’était très local, et on se retrouve avec des groupes qui s’organisent au point de menacer l’industrie gazière, explique l’ex-militaire. Plusieurs facteurs se sont combinés entre le mécontentement de populations qui se sentent abandonnées et l’action des services de sécurité mozambicains, qui ne font pas toujours la distinction entre insurgés et population. Les djihadistes, eux, connaissent le terrain, montent des embuscades, et étendent leur zone d’action. Ils ont de beaux jours devant eux », résume celui qui a « ses hommes sur le terrain pour faire remonter de l’information ». Sur les forces mozambicaines, il a d’ailleurs des kilomètres d’anecdotes inquiétantes qui expliquent en partie au moins l’avancée des Chabab.

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