Politique

Pourquoi vous devez vous intéresser aux élections au Nigeria

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Ce 25 février, les électeurs nigérians sont appelés à se rendre aux urnes pour élire leur nouveau président et leurs représentants parlementaires. Les enjeux de ces élections vont au-delà des frontières du pays, nous explique ici Gilles Yabi, directeur et fondateur du think tank ouest africain Wathi.

Ils ne doivent pas être bien nombreux les Africains qui n’ont pas une fois suivi un film de Nollywood, écouté une musique de Fela, de Wizkid ou de Burna Boy ou lu Chimamanda Ngozi Adichie ou Wole Soyinka.

L’influence culturelle du Nigeria sur le continent est une réalité incontournable.

Elle va de pair avec la position de ce pays comme première économie du continent, avec un PIB de plus de 400 milliards de dollars.

Le Nigéria est aussi le pays le plus peuplé d’Afrique avec plus de 200 millions d’habitants.

Cependant, il fait face à de nombreux défis internes et externes qui font de l’élection générale de ce 25 février un évènement important, surtout pour la sous-région ouest africaine.

BBC Afrique s’est entretenue avec Gilles Yabi, directeur et fondateur du think tank ouest africain Wathi, sur les enjeux de ces élections pour la sous-région.

Gilles Yabi

Monsieur Yabi, pourquoi devons-nous nous intéresser aux élections générales ce 25 février au Nigeria ?

Ces élections sont importantes pour toute l’Afrique de l’Ouest pour différentes raisons.

La première, à mon avis, c’est qu’il s’agit de la première puissance démographique et économique de l’Afrique de l’Ouest, et même du continent. Et donc ce qui se passe au Nigéria sur le plan politique est important pour l’ensemble du voisinage de ce pays et donc pour l’ensemble de la région ouest africaine. Le leadership politique nigérian est important pour pouvoir notamment répondre aujourd’hui aux crises multiples qui traversent l’ensemble de la région ouest africaine, y compris les pays du Sahel.

Est-ce que l’élection d’un nouveau président pourrait changer la donne sur le plan sécuritaire en Afrique de l’Ouest ?

Le Nigéria peut jouer un rôle important, devrait jouer un rôle beaucoup plus important qu’il n’a joué jusque-là sur le plan régional. Et je crois que les problèmes de sécurité très importants du Nigéria ont conduit le pays à jouer un rôle de moins en moins important sur la scène régionale et ça a contribué, à mon avis, à l’affaiblissement de la Cedeao. Pour moi, le premier élément de l’affaiblissement de la Cedeao, c’est l’affaiblissement du pays qui peut être sa puissance motrice.

Et donc aujourd’hui, il est difficile d’imaginer un Nigéria très actif pour résoudre les problèmes sécuritaires dans la région parce qu’il est confronté à d’énormes problèmes en interne.

Mais je crois qu’il faut espérer que le changement de leadership politique se traduise par une conscience peut-être de cette responsabilité régionale et que ça permette de mieux s’attaquer au problème d’abord de sécurité intérieure et ensuite aussi de pouvoir jouer un rôle plus important à l’échelle régionale.

Est-ce que l’élection du nouveau président pourrait changer quelque chose sur le plan économique, notamment sur la question du franc CFA ?

Je crois qu’il ne faut pas se focaliser seulement sur la question du franc CFA. Je pense que cette question est un peu sortie de la liste des priorités économiques dans la région aujourd’hui, parce qu’il y a des problèmes plus immédiats d’inflation, de risques macroéconomiques, et des tensions sociales très fortes justement au Nigéria, à cause des décisions de la banque centrale du pays.

Donc je pense qu’il y a beaucoup de priorités au niveau économique pour le Nigéria qui sont bien plus importantes que la question du franc CFA et la question de la mise en œuvre de cette nouvelle monnaie ouest-africaine l’Eco.

Je crois qu’on est malheureusement assez loin de la mise en œuvre de ce projet d’union monétaire. Par contre, je crois que l’élection au Nigéria est très importante aussi pour l’ensemble de la région ouest africaine, parce que c’est effectivement le pays le plus important sur le plan économique.

Il faut espérer que le prochain changement de leadership se traduise par une meilleure gouvernance économique au Nigéria, ce qui pourrait avoir une répercussion positive sur les autres pays de la région et notamment les pays voisins.

Est-ce que la situation sécuritaire représente une question centrale dans la campagne électorale aujourd’hui dans le pays ?

Oui, elle représente une priorité très clairement. En fait, elle l’était déjà lors de la première élection du président Muhammed Buhari, puisque ce qu’il mettait en avant, c’était sa capacité justement à restaurer un peu l’ordre et à améliorer la situation sécuritaire dans le pays. Avec, disons la casquette, qu’il avait d’ancien militaire qui avait déjà dirigé le pays sous régime militaire quelques décennies plus tôt.

Malheureusement, le bilan du président Buhari sur le plan de la sécurité, il n’est clairement pas bon puisque aujourd’hui on a non seulement les problèmes de sécurité qu’on avait déjà il y a huit ans, mais on a aussi une extension finalement de l’insécurité, de la violence, des formes même de la violence dans plusieurs Etats du Nigéria.

Donc cela reste une priorité pour les populations. Et je pense que ce que les populations espèrent, c’est que la question sécuritaire soit toujours, disons au très, très haut dans les priorités de la prochaine administration au Nigéria.

Mais là encore, je pense que c’est important de le rappeler, le Nigéria, c’est bien sûr le président, le vice-président, mais c’est aussi les gouverneurs des différents Etats qui ont des ressources, qui ont un pouvoir très important dans leurs différents États.

Et les enjeux des élections au Nigéria, ce n’est pas simplement au niveau fédéral, ce sont aussi les enjeux dans les différents États de la fédération.

Des Nigérians suivent l'actualité à travers les journaux dans une rue
Quelques données-clé sur les élections au Nigeria

Il s’agit de la septième élection générale organisée au Nigeria depuis que le pays a abandonné le régime militaire en 1999. Nombreux sont ceux qui pensent que les élections générales du 25 février seront serrées, dans un contexte d’insécurité croissante et de difficultés économiques.

Le pays connaît une crise des enlèvements contre rançon et lutte contre une insurrection islamiste militante dans certaines parties du nord, ce qui menace les élections. Le Nigeria n’est pas étranger à la violence électorale, et l’on craint que ce scrutin soit plus agité que d’habitude.

L’État de Taraba (nord-est), où des insurgés islamistes ont mené des attaques, et l’État d’Imo (sud-est), foyer de violence séparatiste et de gangs, comptent le plus grand nombre d’unités de vote où le scrutin n’aura pas lieu.

Cette élection sera donc un test crucial pour la solidité de la démocratie au Nigeria et en Afrique de l’Ouest dans son ensemble, une région qui a vu des coups d’État militaires se multiplier au Burkina Faso, au Mali et en Guinée.

Il y a 18 candidats à la présidence, mais seuls trois d’entre eux ont une chance réaliste de l’emporter. Il s’agit de Bola Tinubu, du parti au pouvoir, le All Progressives Congress (APC), d’Atiku Abubakar, du principal parti d’opposition, le People’s Democratic Party (PDP), et de Peter Obi, du Labour Party (LP).

Divers sondages d’opinion ont donné la victoire à l’un des trois leaders.

Le président du Nigeria est élu selon un système à deux tours. Pour être élu au premier tour, un candidat doit obtenir la majorité des voix et plus de 25 % des voix dans au moins 24 des 36 États.

La course est serrée et il est possible qu’aucun des candidats n’obtienne la majorité requise pour être déclaré vainqueur. Si cela se produit, un second tour de scrutin sera organisé dans les sept jours.

Les 109 membres du Sénat (chambre haute) sont élus dans 109 circonscriptions à siège unique (trois dans chaque État et une pour le territoire de la capitale fédérale) au scrutin uninominal à un tour. Les 360 membres de la Chambre des représentants (Chambre basse) sont également élus au scrutin majoritaire à un tour dans des circonscriptions uninominales.

Selon la Commission électorale, 93 469 008 millions d’électeurs se sont inscrits pour l’élection. Dix-huit partis politiques sont en lice pour le scrutin qui devrait se dérouler dans 176 846 bureaux de vote répartis dans les 36 États et la capitale fédérale.

Des fonctionnaires de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) trient les cartes d'électeurs dans un quartier de Lagos, le 13 janvier 2023, en prévision de l'élection présidentielle du 25 février.

Ce sera la première fois que le Nigeria déploie le système bimodal d’accréditation des électeurs (BVAS) pour une élection générale. La machine sera utilisée pour la vérification et l’authentification des électeurs afin de confirmer l’identité d’un électeur à l’aide de ses empreintes digitales ou de son visage. La Commission a déclaré que la machine se mettait automatiquement à jour au fur et à mesure que l’accréditation avait lieu et que les chiffres ne pouvaient donc pas être manipulés.

Les pires violences post-électorales du Nigeria ont été enregistrées en 2011 et ont entraîné la mort d’au moins 800 personnes en trois jours d’émeutes dans 12 États du nord du pays. On craint des violences lors des élections de cette année, des violences préélectorales ayant déjà été enregistrées dans plusieurs États et pendant les campagnes, mais le gouvernement a assuré une sécurité adéquate pendant les scrutins.

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