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Réélection d’Emmanuel Macron : « Il y a eu des premiers pas vers un changement de relation avec l’Afrique, il doit désormais y avoir des résultats »

Au lendemain de son arrivée au pouvoir, le président français avait promis de « disrupter » les relations de l’Hexagone avec ses anciennes colonies. Alors qu’Emmanuel Macron entame un nouveau mandat, l’historien Arthur Banga dresse un premier bilan et des perspectives.

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« Il n’y a plus de politique africaine de la France. » Quand le tout jeune président français prononce ces mots, en novembre 2017, à Ouagadougou, devant des étudiants burkinabè, il veut donner le ton de son ambition. Emmanuel Macron se targuait de n’avoir aucun réseau africain et se présentait alors comme l’homme de la rupture, celui qui enterrerait la Françafrique et apaiserait les relations parfois tumultueuses de l’Hexagone avec ses anciennes colonies.

Cinq ans plus tard, les illusions se sont envolées, et quand certaines voix s’élèvent pour critiquer les faux-semblants du chef de l’État, beaucoup voient plus de continuité que de rupture dans les relations de la France avec le continent.

Arthur Banga était un des jeunes invités invités au sommet de Montpellier, en 2021, et suit désormais en concertation avec l’Élysée les engagement du président français pour l’Afrique. Au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron, cet historien à l’Université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, revient sur la politique africaine de la France et tente de dessiner ses principaux contours pour les cinq ans à venir.

 À son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a promis de restaurer la confiance des Africains envers la France. Mais aujourd’hui, le sentiment anti-français est de plus en plus fort dans certains pays, notamment au Sahel. Est-ce le signe d’un échec ?

Arthur Banga :  Emmanuel Macron a voulu bousculer les relations entre la France et les pays africains. Il l’a fait dans la forme, ce qui est déjà un premier pas. Quand il s’adresse aux jeunes à bâtons rompus à Ouagadougou, au début de son mandat, c’est une première. Quand il s’adresse à la société civile à Montpellier, à la fin de son mandat, c’est aussi une première. Il faut garder en tête qu’Emmanuel Macron hérite d’une histoire ancienne et compliquée dont il n’est pas le seul responsable.

En 2017, il avait promis une rupture dans les relations entre la France et le continent. Considérez-vous qu’elle a eu lieu ?

Le changement annoncé n’a pas vraiment eu lieu. Il s’est passé peu ou prou la même chose que depuis soixante ans : il y a eu des ajustements, des repositionnements, mais pas de modification fondamentale du système. Il ne faut pas rêver, la France a toujours des intérêts sur le continent et, contrairement à ce qu’avait déclaré Emmanuel Macron, il y a bien une politique africaine de la France, comme il y a une politique africaine de la Chine, de la Turquie, des États-Unis…

Quel bilan tirer de ces cinq premières années ?

Il y a eu des changements, il faut le reconnaître. Sur le franc CFA, les choses commencent à avancer : la BCEAO n’est plus obligée de déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor public français et la France a ratifié un accord qui doit permettre la mise en place d’une nouvelle monnaie. Sur le plan de la présence militaire, le dispositif français au Sahel va non seulement être repositionné au Niger, mais aussi être réduit. Sur le plan culturel et symbolique, il y a eu de premières restitutions d’œuvre d’art africaines. Sur la mémoire, il y a eu de vraies avancées au Rwanda. Mais tout cela n’est qu’un début. En cela, le deuxième mandat va être intéressant à suivre : les premiers pas initiés depuis cinq ans doivent désormais donner des résultats.

Vous soulignez les points positifs mais le président français a aussi été très critiqué en Afrique pour son « deux poids-deux mesures ». Avec certains régimes il s’est montré souple, avec d’autres il a été sans concession…

C’est le vrai problème de la présidence Macron. Sur la question des troisièmes mandats, Emmanuel Macron a d’abord été très dur, c’était avec Alpha Condé. Puis quand la question s’est posée pour Alassane Ouattara, il s’est montré bien plus indulgent. En ce qui concerne les coups d’État, il a été très dur avec le Mali, mais plus conciliant à l’égard du Burkina Faso, tandis qu’il semble avoir laissé carte blanche aux putschistes tchadiens.

Cela nous rappelle que, derrière les discours démocratiques, il reste l’exigence de défendre ses intérêts nationaux. Emmanuel Macron a d’ailleurs rappelé plus d’une fois son attention particulière à la stabilité des pays, car la France a besoin de partenaires en Afrique. Cependant, on peut se demander si travailler sur une stabilité à plus long terme, démocratique, ne serait pas plus efficace que cette stabilité à court terme qui suscite tant de rancœurs.

Cette obsession de la stabilité s’explique-t-elle par une politique migratoire de la France ?

La politique extérieure et donc africaine d’Emmanuel Macron n’est pas déconnectée des enjeux intérieurs de son pays, loin de là, et, à ce titre, prévenir l’immigration est l’un de ses objectifs. Son obsession pour la stabilité des pays d’Afrique de l’Ouest, parfois au détriment des règles démocratiques, se comprend aussi à l’aune de l’immigration. Un pays stable est un pays qui est potentiellement moins susceptible de voir ses habitants prendre les routes migratoires. Seulement, l’émigration se prévient certes par la stabilité politique, mais aussi grâce à la stabilité économique et climatique. Or, s’il faut  reconnaître les efforts du président Macron en matière de partenariats pour soutenir les start-up et les petites entreprises africaines, la question climatique est totalement absente de son action.

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